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Qeryn's revival
12 décembre 2010

Avoir des parents sur qui compter

Jamais je n'aurais pu deviner combien c'est important, tant j'ai oublié depuis plus mes 12 ans ce que ça voulait dire.

Pourtant, au fur et à mesure que je dissipe mes mauvaises habitudes et essaie de voir le monde autrement, je vois de plus en plus de choses qui ne tournent pas rond, qui me font peur. J'en viens presque à regretter mes choix, à savoir avoir protégé ma mère contre les colères de mon père. Je pense que mes autres frères et soeurs ont vu plus juste dans l'histoire que moi : ce n'était en aucun cas mes affaires et je n'avais pas à m'en occuper.
Mais quand on vit l'injustice au quotidien, quand on croit encore qu'on est un être à part entière aux yeux de ses parents et qu'ils s'intéressent un tant soit peu à son bonheur, on essaie d'utiliser de ce pouvoir pour changer les choses. A mes yeux, ce n'était qu'une simple incompréhension : mon père aimait ma mère, mais il ne la comprenait pas. Il suffisait de lui expliquer. Et une fois expliqué, comme il ne voulait pas comprendre, c'est simplement parce qu'il était buté, égoïste, absent.

Je l'ai aimé, puis détesté. Je ne dis pas haï, mais détesté, de toutes mes forces, je ne pouvais plus lui parler sans trembler de rage de la tête aux pieds, je l'évitais autant que possible, je lui disais bonjour uniquement parce que cela avait déclenché une vague de colère dans la maison quand j'avais arrêté et que ma mère m'avait demandé, pour le bien des apparences, de ne pas me rebeller ainsi.
Maintenant, je lui ai pardonné, parce qu'il a changé et qu'il a voulu nous le montrer. Paix à son âme.

Les apparences. Ma mère, mon père, leur couple, notre famille, tout ça n'a été que vaines apparences. Je ne pouvais pas compter sur mon père, qui était notre ennemi, celui qui ne faisait pas attention à nous ni à sa femme; je ne pouvais pas compter sur ma mère parce que trop fragile, fatiguée, apeurée, à bout de forces; je n'avais pas de grands-parents, pas d'oncles et tantes à qui parler, car ma famille est soit trop loin (en Angleterre ou en Australie) ou soit absente (mon père ayant coupé les ponts avec beaucoup de monde, en grande partie parce qu'ils avaient tous un grain). J'avais quelques amis, mais de mon âge, et je n'en parlais ni à mes soeurs, ni à mon frère. Je ne me sentais à ma place nulle part, et j'avais mal, mal de devoir tout gérer, mal d'avoir mal, d'être fatiguée, de cette double voire triple vie. La douleur et l'horreur faisait partie de mon quotidien, et je pensais devoir mériter ce fardeau.

N'ayant aucun point de comparaison et aucune expérience, comment aurais-je pu effectivement savoir que les choses pouvaient être différentes? A tout ceux qui m'écoutaient et disaient "il faut faire ceci ou cela" je disais "venez voir ce que ça donne quand on le vit de l'intérieur, ce n'est pas si simple". Quant à ne plus m'interposer dans les disputes, c'était tout simplement impensable. C'était ma manière de survivre à ce chaos, cet effondrement des piliers de mon univers.

Mais entre croire que l'on a raison et faire les bons choix, il y a un gouffre que je pressens depuis que je suis toute petite. Ainsi, j'ai eu beaucoup de mal à me faire confiance et j'écoute encore (et plus que jamais) les autres avec circonspection. J'ai appris qu'aimer ne voulait pas dire prendre soin de la personne et j'ai appris qu'être conciliant ne menait pas au bonheur. Entre ce qu'on croit faire et ce que l'on fait vraiment aux autres il y a un pas, parfois minuscule, parfois énorme. Mon père savait-il le mal qu'il nous faisait? Sans doute pas. Et même s'il le savait, aurait-il pu un jour l'avouer? J'en doute. Mais lui, il a eu une "excuse". L'alcool, les mauvais traitements de jeunesse, la dépression, etc.

Ma mère a-t-elle ces excuses-là? Elle n'a pas pu se construire certes, mais pense-t-elle seulement que son comportement de "mère" qui lui paraît si normal peut nous détruire au lieu de nous mener à prendre notre envol? Et face à elle, qui a raison? Moi qui ne connais pas le rôle de parent? Comment arriver à lui faire comprendre mon point de vue, que je suis fatiguée de jouer à la maman de ma propre mère, car elle ne peut rien faire sans nous, et que j'aimerais avoir, pour une fois, la certitude que pour le reste de ma vie, ma mère sera quelqu'un sur qui je pourrai compter, que j'aiderai mais qui me protègerait, qui me ferait confiance, et qui ne s'inquièterait pas pour moi toutes les cinq minutes au lieu de faire sa propre vie?
Je me mets à sa place, je sens sa souffrance, ses blocages, le fait qu'elle croit qu'elle  ait désespérément besoin de quelqu'un pour avancer. Sa position est tout autant valide que la mienne. Et pourtant il me faut choisir, il me faut être égoïste, il me faut protéger mes quartiers. J'ai l'impression d'avoir épuisé toutes mes ressources auprès d'elle, de ne plus pouvoir avancer pour l'aider. Est-ce vrai? Ne suis-je pas simplement en train de rejeter la faute sur quelqu'un d'autre? Et si je ne le fais pas, qui le fera? Puis-je confier au Destin, à d'autres personnes son futur sans avoir l'impression de déserter la guerre?

Comment toutes ces personnes, qui n'ont pas connu de stabilité (je m'estime malgré tout être une personne stable, mais bon, je sais que je minimise souvent les chocs qui me sont portés et je ne m'autorise pas souvent à avoir des faiblesses) peuvent-elles prétendre au bonheur? Leurs dés ne seraient-ils pas pipés dès le départ? Y'a-t-il une chance du bonheur, une chance de l'équilibre, et des zones de l'humanité qui resteront à jamais grises, embourbés dans leurs tourments, transmettant un ego bancal de génération en génération, sans qu'ils en aient conscience?
Et dans toutes celles qui ont pris conscience que quelque chose n'allait pas, combien arriveront à changer le cours de leur destin?

Combien de destins gâchés, combien de vies brisées, combien de malheureux sur Terre ...

Et aucune idée du mot, de l'acte qui pourrait leur redonner le sourire durablement...

Quand on n'a personne qui vous corresponde, où trouver le parent sur qui compter?

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Commentaires
C
Hé oui tu as raison on aimerait bien avoir des parents sur qui on pourrait compter mais qui ne s'inquiètent pas pour un oui pour un non!<br /> Je crois qu'il nous voient comme des gosses toute notre vie mais cela n'empêche pas ma pauvre mère de m'appeler juste pour savoir si le médicament prescrit est bon pour elle, je suis le médecin de secours!!! Tu es la canne de ta mère et pourtant elle ne boîte pas...<br /> Pffff
Qeryn's revival
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