Crépuscule

Les derniers rayons orangés du soleil couchant viennent de s'éteindre et ce n'est plus qu'un bleu de plus en plus sombre qui envahit ma chambre par mes volets entr'ouverts.
Enfin un soir où je peux me poser et prendre le temps. Le temps de ne rien faire, le temps de dormir. Le temps de m'élever en dehors de moi-même et essayer de rassembler mes pensées éparpillées, mes actes disséminés, en un ordre quelconque.

J'ai l'impression que je cours à ma perte.
J'ai peur de le faire fuir.
Je n'arrive pas à être moi-même en face de lui. Un tas de questions fait surface.
"Et si, et si, et si...?"

Si je m'obstinais à vouloir avoir des relations en grillant les étapes? Il eut été tellement plus avisé de prendre le temps de se connaître. De ne pas commencer à m'investir dans quelque chose qui ne peut que nous mener à notre perte.
Quelle est cette chose qui m'empêche de saisir l'instant présent? Quelle est cette chose qui m'empêche de ne pas penser aux conséquences de mes actes? Quelle est cette chose qui me souffle tout bas que je fais une bêtise, que ça ne colle pas, que je n'en suis pas capable?

La lumière diminue encore, les volumes s'effacent dans la pénombre.

Et si j'avais juste trop peur de me tromper? J'ai une image de lui qui fait que je ne me sens pas à la hauteur. Il est calme, posé, grand, fort, bien plus que vieux que moi (bon, cinq ans ce n'est pas non plus la mort). Il est juste ... inaccessible. Trop mature pour moi. Je me disais au début que c'était ce dont j'avais besoin pour avancer mais mon esprit, mon coeur résistent, me lâchent, juste pour prouver à ma raison que j'en suis incapable.

Je commence à ne plus discerner les formes; tout se fige en nuances de gris.

Ne suis-je pas en train de faire comme ma mère? M'accrocher aux autres pour évoluer? Vouloir à tout prix être aimée, ne pas être seule? Ne suis-je pas en train de douter de ma valeur et essayer de me faire apprécier par tous les moyens, comme je le fais, depuis toute petite, par des moyens plus ou moins détournés?
Comment faire confiance à mon jugement quand celui-ci ne cesse d'être erroné? Quand on me dit que je fais n'importe quoi alors que j'essaie de faire les choses bien? Quand je vois que je fais du mal autour de moi alors que je ne fais qu'être moi-même, alors que je ne comprends pas du tout ce que j'avais fait de mal?

Les failles de l'éducation d'un parent sont-elles aussi permanentes qu'une vie de labeur ne suffira pas à les effacer? Nos humanités et celles des autres sont-elles donc simplement ce qui nous empêche d'accéder au bonheur, à la liberté?

Le soleil donne même couleur aux gens mais la nuit elle, donne même relief aux choses. Le néant. Rien que le vide absolu, le noir qui enlève toute vision et aiguise les sens.

J'entends au-dehors un songe qui m'appelle. J'entends des oiseaux pépier au-dedans.

(A moins que ce ne soit le contraire.)

Dans la solitude rien n'est jamais si grave ... Si je fais du mal, si j'abîme, ce ne sera que moi-même.

Je voudrais juste, pour un instant, trouver la paix.